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06 mai 2021

Le nouveau président Pierre Julien souhaite renforcer le soutien à l’ICM et promouvoir la nature hautement technologique de l’industrie

Par Carolyn Gruske

Pierre Julien n’est pas du genre à se laisser intimider par des situations difficiles, et il sait relever les défis avec détermination. M. Julien est actuellement vice-président de DRA Global. Il a auparavant été président d’Outokumpu Technology North America (aujourd’hui Outotec), fondateur de Lincoln Strategic et ORE+PROS, président et chef de la direction de Norcast, et directeur fondateur de la petite société minière Temple Gold. Il commence son mandat en tant que président de l’ICM pour l’année 2021-2022. Une fois de plus, il pourra prouver qu’il sait faire face à une situation difficile, celle d’orienter l’institut et, par extension, l’industrie minière canadienne alors qu’elle se relève d’un monde sens dessus dessous en pleine pandémie et s’aventure vers un avenir façonné par les effets durables de la COVID-19.

L’ICM : Comment avez-vous décidé de rejoindre l’industrie minière ?

M. Julien : Je viens de Haileybury, une petite ville du nord de l’Ontario (on croirait entendre une chanson de Neil Young). Dans cette ville se trouve la Haileybury School of Mines (l’école des mines de Haileybury). Lorsque j’ai obtenu mon baccalauréat, je n’avais pas vraiment d’autres options. Je n’avais pas les moyens de partir ailleurs, et c’est ainsi que j’ai déposé ma candidature à l’école des mines. Pour tout vous dire, je n’ai pas été accepté au début.

L’ICM : Comment y êtes-vous entré ?

M. Julien : N’ayant pas d’autres portes de sortie, j’ai pris mon vélo et ai pédalé jusqu’aux bureaux de l’école. À l’époque, je ne savais pas ce qu’était un doyen. Quand j’ai demandé « qui était le patron ici », on m’a répondu que c’était « le doyen [Jack] Frey ». J’ai expliqué que ma candidature à l’école avait été rejetée et que j’aimerais m’entretenir avec le doyen. La réceptionniste m’a répondu qu’il était absent ce jour-là, mais que je pouvais le rencontrer le jeudi suivant. Elle m’a fixé un rendez-vous. Je l’ai rencontré, nous avons discuté, et je suppose que j’ai réussi à le convaincre de me donner ma chance puisqu’une semaine plus tard, je recevais une lettre d’acceptation à l’école.

M. Frey était très dur, mais je lui suis extrêmement reconnaissant de m’avoir donné cette chance, car 35 ans plus tard, j’ai eu une carrière passionnante. J’ai découvert le monde, et s’il ne m’avait pas donné la possibilité d’intégrer l’école, j’aurais pris une autre voie, mais certainement pas celle de l’industrie minière.

L’ICM : Quel a été votre premier emploi après l’obtention de votre diplôme ?

Julien : J’ai travaillé pour la société Ramsey Engineering, un fournisseur de systèmes de manutention et de contrôle des procédés pour l’industrie minière. Deux semaines après avoir commencé, ils m’ont envoyé à Labrador. C’était en 1985, j’avais 20 ans. Ils m’ont dit que je devais aller faire une mise en route sur une grosse installation. J’étais enthousiaste. Je n’étais jamais sorti de ma province, je n’avais jamais pris l’avion, et je n’avais jamais rencontré de Terre-Neuviens.

Des années plus tard, alors que je parlais avec le président [de Ramsey] que je connaissais désormais très bien, je lui ai dit : « Vous deviez fumer trop d’herbe à l’époque pour m’envoyer à Labrador seul, à 20 ans, et me charger d’effectuer une mise en route si importante. Je ne sais vraiment pas ce qui vous était passé par la tête ». L’équipement était si gros que toute la mine avait dû être fermée. Il m’a alors répondu que c’était la méthode adoptée par la direction à l’époque. « Jetez les jeunes recrues aux requins. Si elles en ressortent vivantes, tant mieux, sinon, c’est la loi de la nature. » Cette approche a bien fonctionné. J’ai fini par passer une bonne partie de l’année et demie suivante à Labrador, où j’ai effectué plusieurs projets. C’est ainsi qu’a débuté ma carrière dans l’industrie minière.

L’ICM : Étant donné votre vision globale, quels sont les deux ou trois principaux problèmes que rencontre l’industrie minière actuellement ?

M. Julien : L’un d’eux est la disponibilité des talents. Globalement, on fait face à une pénurie majeure de personnes hautement qualifiées. Pour pouvoir démarrer des projets qui sont indispensables afin de maintenir l’approvisionnement en minéraux et métaux dont le monde a besoin, nous n’avons pas suffisamment de talents qui rejoignent cette industrie. C’est indéniablement l’un des plus gros problèmes dans l’industrie, et un problème pour notre société à l’échelle mondiale.

Un autre grand problème concerne ce dont tout le monde parle, à savoir l’importance de la durabilité. Tout d’abord, nous devons décomposer ce terme en sous-catégories car il revêt plusieurs significations pour beaucoup de personnes. L’un des points importants pour l’industrie est la capacité des sociétés minières à différencier les produits métalliques en fonction de plusieurs indicateurs métriques liés à la durabilité (notamment l’empreinte carbone et la consommation d’eau), la diversité, le bien-être des employés (notamment les pratiques en matière de ressources humaines), ce que la chaîne de blocs soutiendra.

Pour vous donner un exemple, on paye aujourd’hui quatre dollars pour une livre (environ 450 grammes) de cuivre. Peu importe la façon dont il a été produit, d’où il vient. Peu importe la quantité d’eau ou d’énergie consommée. Peu importe si ce cuivre a été produit en suivant les normes de sécurité les plus strictes ou les plus laxistes. Les sociétés cuprifères sont des preneurs de prix. En d’autres termes, elles prennent le prix fixé par le marché. Elles ne peuvent différencier leur produit et demander un prix plus élevé en fonction d’indicateurs métriques différents.

La chaîne de blocs entraînera un changement important dans notre industrie. Elle favorisera la différenciation de ces produits. Ainsi, tout comme les producteurs de minéraux industriels vendent leurs produits en fonction d’indicateurs de qualité, les producteurs de cuivre, d’or et de nickel seront désormais en mesure de différencier leurs produits en fonction d’indicateurs de durabilité. Si l’on recherche un produit développé avec une faible empreinte carbone et une faible consommation d’eau, on peut acheter ce cuivre. Si l’on recherche du cuivre qui a été produit dans un environnement respectueux des droits des travailleurs et dont les indicateurs de bien-être de l’employé(e) sont élevés, on peut acheter ce cuivre. Ceci entraînera de la concurrence et mènera tout le monde vers une norme supérieure.

Cette capacité à différencier les produits est une question à laquelle nous sommes confrontés et que nous devons résoudre. Si nous souhaitons réellement être des moteurs de l’amélioration, nous pouvons créer des règles et des réglementations pour y parvenir, mais nous aurons plus de succès si les sociétés d’exploitation des minéraux et des métaux peuvent obtenir des prix supérieurs pour avoir adopté les bonnes pratiques. Cependant, cela aura des conséquences non désirées sur les produits différenciés et entraînera une concurrence accrue. On dit souvent que l’industrie minière est très collaborative. Tout le monde participe aux congrès et aux conférences de l’ICM, de la société canadienne du traitement des minerais (SCTM) et de la société de la métallurgie et des matériaux (MetSoc) pour partager ses idées, ses meilleures pratiques. Il y a une raison macroéconomique derrière cette action. Lorsqu’on est preneur de prix, notre objectif premier est de réduire nos coûts. En tant qu’industrie, on nous incite à partager nos meilleures pratiques afin de réduire nos coûts. C’est ce que l’on doit faire. Une fois que l’on commence à différencier les produits et à obtenir des prix avantageux, la concurrence s’amorce. Cela éliminera une partie des récompenses vis-à-vis de la collaboration. On en a la preuve avec les minéraux industriels, où les producteurs ne participent pas nécessairement à des conférences et ne partagent pas forcément leurs meilleures pratiques. Ils les gardent très secrètes.

L’ICM : Vous venez de parler de l’ICM, de la MetSoc. Depuis combien de temps fréquentez-vous l’ICM ?

M. Julien : Je côtoie l’ICM de manière non officielle depuis ma première conférence de la SCTM en 1987. De manière officielle, c’est depuis 1995 que je suis impliqué. Tout a commencé lors de la conférence de la SCTM à Toronto. La section de la SCTM à Toronto traversait une période difficile. Un ami à moi, Greg Romain, m’a appelé et m’a demandé si je voulais l’aider à relancer la section. Il ne restait que 300 dollars sur le compte de la section, aussi nous sommes allés recueillir des fonds. D’une certaine manière, nous avons relancé cette section. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à fortement m’impliquer dans la section. J’en suis même devenu le président à un moment. Je me suis ensuite rapproché de la section nationale puis de la direction de la SCTM, et suis finalement devenu président de la SCTM. J’ai ensuite rejoint le conseil de l’ICM, où je représentais la SCTM.

L’ICM : Vous êtes impliqué dans ces organisations depuis un certain temps. Vous savez comment elles fonctionnent, vous avez été témoin de ce qu’elles peuvent faire. Quels sont vos objectifs et vos visions pour l’ICM dans l’année à venir ?

M. Julien : L’ICM s’apprêtait à se lancer dans une initiative de planification stratégique au moment où la pandémie a frappé. Ainsi, l’attention accordée à la planification a changé, et est passée de perspectives à long terme à la survie à court terme. Durant l’année qui s’est écoulée, j’ai présidé le comité de planification stratégique et j’ai vu l’équipe élaborer un plan clair et réalisable. Au travers de ce processus, nous nous sommes beaucoup rapprochés de l’industrie minière, des sociétés et des membres dans l’espoir d’établir un plan stratégique qui réponde aux enjeux à court terme en ce qui concerne les revenus, et aux exigences à long terme que nos parties constituantes ont demandées. Mon objectif premier est de veiller à la bonne exécution du plan stratégique que nous avons développé. Ainsi, mon rôle consistera à soutenir MmeHamlyn et son équipe afin de mettre en œuvre des initiatives spécifiques qui répondent à notre ambition collective.

Des initiatives importantes sont déjà en cours. Tout d’abord, nous devons diversifier les sources de revenus de l’ICM de manière à ce qu’elles ne dépendent pas d’un seul et unique événement, notre congrès annuel. À cette fin, nous devons créer des liens plus étroits avec le côté entreprises canadiennes, c’est-à-dire le côté sociétés minières de l’industrie. L’une des choses que nous avons comprises est que, si nous disposons de plusieurs programmes exceptionnels pour servir l’industrie, cette dernière n’est pas toujours totalement consciente de l’existence de ces programmes.

Le programme de financement par les mécènes consistait essentiellement à contacter des dirigeants de sociétés minières et à leur présenter le travail formidable et les actions extraordinaires de l’ICM. La plupart d’entre eux nous ont répondu qu’ils n’étaient pas conscients que l’ICM menait des initiatives et programmes aussi formidables et extraordinaires, et qu’ils souhaitaient soutenir l’institut. C’est ce qu’ils ont fait. Ils ont mis la main à la poche, et nous devons honorer notre engagement envers eux.

La deuxième chose concerne l’engagement communautaire de manière générale, mais plus important encore, à l’égard des étudiants. Nous ne devons pas nous cantonner aux étudiants qui sont déjà dans le secteur minier, mais essayer de nous rapprocher des étudiants qui, comme Pierre Julien en 1984, vivent dans de petites communautés. Il faut trouver le moyen de les attirer vers le secteur minier. Il ne faut pas se baser sur le simple fait qu’ils n’ont pas les moyens de partir ailleurs, mais essayer d’attiser leur intérêt vis-à-vis de l’industrie minière, tout simplement car c’est un secteur passionnant, hautement technologique et très innovant.

Enfin, je veillerai à poursuivre l’engagement de l’ICM vis-à-vis de l’élaboration des lignes directrices et des meilleures pratiques de l’industrie. Le Canada est en première ligne dans ce domaine à l’échelle mondiale, et il est extrêmement important que l’ICM continue à faciliter ce processus.

L’ICM : Comment pensez-vous parvenir à intéresser les étudiants et les encourager à rejoindre cette industrie ?

M. Julien : Ce n’est pas évident. De nombreuses organisations industrielles mènent actuellement des initiatives d’engagement à l’égard des étudiants. Cependant, elles sont majoritairement gérées de manière indépendante. Il pourrait être productif, pour les diverses organisations industrielles, de se réunir et de mettre au point une approche collaborative. C’est un domaine que j’espère explorer plus avant.

Il existe également des questions structurelles plus vastes relatives à l’emplacement des écoles des mines et des programmes connexes. Des écoles telles que la Haileybury School of Mines proposent aux étudiants une option locale pour les cursus dans le domaine minier. La plupart des programmes dans ce domaine sont cependant proposés dans les grandes villes, souvent très loin des petites communautés minières. Ces programmes, ces écoles doivent être au cœur des communautés. Nous devons mettre les programmes à la portée des communautés, une transition que la pandémie a sans doute accélérée. Le meilleur moyen d’attirer des membres des communautés du nord du Québec, du nord de la Saskatchewan ou du nord de l’Ontario dans l’industrie minière est de leur donner une chance (pas seulement l’université, car c’est beaucoup demander). Nous devons offrir des programmes du Cambrian College ou de la Haileybury School of Mines à ces communautés du nord en leur proposant un apprentissage en alternance, à distance et à l’échelle locale.

L’ICM : Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles sont confrontées des organisations telles que l’ICM ?

M. Julien : Les difficultés que rencontre l’ICM sont les mêmes que celles que rencontre l’industrie. Il faut déterminer comment faire du secteur minier une industrie haute technologie qui attirera les jeunes assis devant un ordinateur qui jouent à des jeux vidéo, comment faire de l’ICM une organisation intéressante pour l’industrie et pour les professionnels techniques.

Nous devons changer le visage du secteur minier. Une partie de cette approche consistera à demander aux professionnels de l’industrie de se rendre dans nos écoles et de parler aux jeunes. Nous disposons de technologies exceptionnelles. Prenons par exemple la géophysique aérienne et la technologie des hélicoptères volant au-dessus de la Terre et capables de visualiser ce qui se cache en sous-sol. Ces technologies d’imagerie sont exceptionnelles, et elles sont comparables à celles que l’on utilise en médecine pour observer le corps humain. Les pelles excavatrices de mine, les tombereaux miniers et les broyeurs sont les machines les plus puissantes au monde. Elles sont extrêmement complexes à construire ainsi qu’à gérer. Du côté du traitement, on dispose de logiciels extrêmement sophistiqués qui associent l’intelligence artificielle (IA) et la réalité virtuelle. Et pourtant, on continue de nous présenter sur la chaîne de télévision américaine Discovery Channel comme les personnes de l’émission Gold Rush (La ruée vers l’or) qui font exploser les berges du fleuve Yukon. C’est l’idée que se font les gens de l’exploitation minière. Nous devons changer cette image, et cela ne se fera certainement pas en une année. Nous devons nous engager résolument dans cette direction.

L’ICM : Quels petits changements souhaiteriez-vous voir au sein de l’ICM ?

M. Julien : Je pense que nous pourrions (l’ICM et ses employés) être mieux répartis. Nous devrions adopter un modèle où les équipes de travail sont mieux distribuées, une répartition qui représenterait mieux le pays. On a souvent critiqué le fait que l’ICM est une organisation basée à Montréal. Nous pouvons désormais ouvrir nos portes à des employés potentiels venant d’ailleurs. Le cœur des activités resterait bien sûr à Montréal, mais c’est l’occasion d’ouvrir nos horizons.