Ces articles ont été fournis par deux partenaires industriels de l'ICM et ont été publiés à l'origine dans le numéro de décembre 2024 - janvier 2025 du f CIM Magazine (consultez-le en format pdf ici).

Aider les industries québécoises et la province à atteindre les objectifs de décarbonisation

Ci-dessus : L'ancienne usine de pâte à papier Fortress à Thurso, au Québec, est le site de production de biocarbone d'Évolys | Avec l'aimable autorisation de Rio Tinto
Présent dans 35 pays, le géant minier Rio Tinto a accéléré sa stratégie de décarbonisation pour atteindre son objectif de réduire de moitié ses émissions des portées 1 et 2 à effet de serre d'ici 2030 et d'atteindre l'objectif de carboneutralité d'ici 2050. À l'été 2024, cette stratégie s'est traduite par des actions concrètes au Québec. L'entreprise a annoncé qu'elle avait formé une nouvelle entreprise appelée Évolys Québec Inc. avec le producteur de biocarbone Aymium, basé au Minnesota, aux États-Unis, pour s'attaquer à l'un des aspects les plus difficiles de la décarbonisation industrielle : le remplacement des sources de carbone fossile dans le traitement métallurgique.
La nouvelle entreprise représente bien plus que le moyen d'aider Rio Tinto à atteindre ses objectifs au Québec et à l'échelle internationale. Elle illustre également la façon dont la vision de Rio Tinto en matière de décarbonisation industrielle peut favoriser des économies locales durables et créer de nouvelles opportunités pour les communautés.
Approche à voies multiples pour atteindre les objectifs en matière d'émissions
La stratégie de décarbonisation de Rio Tinto englobe des dizaines d'initiatives dans le domaine des énergies renouvelables et des investissements dans des technologies de pointe. Le but est de décarboniser ses chaînes de valeur avec des solutions à court, moyen et long terme dans l'ensemble de ses opérations mondiales. Plutôt que d'aborder sa décarbonisation de manière fragmentée, l'entreprise a créé une structure unifiée pour sa stratégie énergétique et climatique, conçue pour maximiser les ressources et la collaboration dans l'ensemble de ses opérations.
« L'objectif est de tirer parti des innovations tout au long de la chaîne de valeur plutôt que silo par silo ou groupe de produits par groupe de produits », a déclaré Didier Arseguel, vice-président de la technologie chez Rio Tinto Iron & Titanium (RTIT). Il s'agissait également d'identifier les solutions ou les innovations susceptibles d'avoir le plus grand impact en matière de décarbonisation sur les activités mondiales de Rio Tinto.
Environ 70 % des émissions des portées 1 et 2 de RTIT au Canada sont liées à l'utilisation de l'anthracite comme réducteur dans le processus de fusion. Par conséquent, Rio Tinto a identifié le traitement des émissions de portée 1 dans ses opérations au Québec comme un élément clé pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone. En ce qui concerne l'objectif de 2030, qui n'est que de cinq ans, le temps presse pour Rio Tinto. Plus difficile encore, la décarbonisation de ses procédés métallurgiques, tels que la fusion, utilisés depuis des décennies, pourrait nécessiter des technologies de rupture ou une refonte complète, ce qui prend du temps. Dans l'ensemble, Rio Tinto cherche à relever ces défis en constituant un portefeuille de projets innovants. » Nous atténuons les risques en développant différentes voies vers la réduction du carbone », a déclaré M. Arseguel. « Notre portefeuille d'options atténue les risques liés à notre stratégie de décarbonisation. Nous ne savons pas exactement laquelle sera la plus efficace et nous nous assurons donc d'avoir des solutions de rechange. »
Conformément à cette stratégie, RTIT a lancé deux projets clés dans son portefeuille de décarbonisation au Québec. Le premier est BlueSmelting, une technologie révolutionnaire qui pourrait réduire les émissions de carbone dans la production de dioxyde de titane au complexe métallurgique de RTIT à Sorel-Tracy, au Québec. Cette technologie permettrait de réduire considérablement les émissions de carbone par rapport au processus de réduction du minerai actuellement utilisé, et équivaudrait à retirer 145 000 voitures de la circulation.
La technologie BlueSmelting ajoute une étape de pré-réduction au processus de fusion traditionnel qui recycle le gaz de fusion, qu'il soit produit par le charbon, l'hydrogène vert ou potentiellement la biomasse. En 2023, pour valider cette technologie révolutionnaire de décarbonisation, l'entreprise a construit avec succès une usine de démonstration opérationnelle à grande échelle, capable de produire jusqu'à 40 000 tonnes de minerai d'ilménite par an avec des émissions considérablement réduites.
L'autre grand projet consiste à remplacer les combustibles fossiles dans le traitement métallurgique par du biocarbone dans ses installations du Québec, en partenariat avec Aymium, et à la constitution de la nouvelle entreprise de fabrication de biocarbone Évolys.
La solution du biocarbone
Le partenariat entre Rio Tinto et Aymium remonte à 2021, lorsque le géant minier a créé un fonds de capital-risque dédié pour investir dans des partenariats avec des entreprises innovantes. L'année suivante, Rio Tinto s'est associé à Aymium, un leader innovant dans le secteur du biocarbone. L'entreprise américaine fournit à ses clients ses produits avancés de biohydrogène et de biocarbone dans le monde entier depuis 2012. Grâce à sa technologie éprouvée, soutenue par plus de 500 brevets délivrés ou en attente pour des produits de biocarbone de grande valeur, Aymium a connu une croissance exponentielle, passant d'une usine dans le Michigan à plusieurs projets aux États-Unis aujourd'hui.
Le biocarbone métallurgique d'Aymium est fabriqué à partir de biomasse, c'est-à-dire de matière organique pouvant être utilisée pour produire de l'énergie, comme le bois, les résidus forestiers et les matières végétales. La biomasse capture le carbone pendant la croissance des arbres. Cette source de carbone durable est ensuite utilisée dans des applications métallurgiques. Contrairement aux combustibles fossiles, qui contiennent de l'énergie enfermée sous terre depuis des millions d'années, la biomasse d'origine durable n'ajoute pas de nouveau CO2 à l'atmosphère. La petite quantité de CO2 qu'elle produit est absorbée par les nouvelles pousses dans le cadre du cycle naturel de la nature.
Grâce à un processus thermochimique breveté sans combustion, Aymium convertit la biomasse en biocarbone en la chauffant d'abord à plus de 500 degrés Celsius. La biomasse étant privée d'oxygène lorsqu'elle est chauffée, elle ne s'enflamme pas. Par conséquent, elle ne produit pas d'émissions lorsqu'elle est chauffée. Le processus sépare, de manière chimique, la biomasse en biocarbone et biohydrogène de grande pureté, ainsi qu'en eau. Il s'agit d'un processus neutre en carbone car il est alimenté par l'énergie en biohydrogène qu'il génère. L'eau et l'énergie excédentaires produites par le processus sont recyclées dans le système.
Le produit final de biocarbone métallurgique est spécialement conçu pour remplacer les combustibles fossiles à fortes émissions tels que le charbon et le coke, sans qu'il soit nécessaire de modifier l'équipement. Rio Tinto pourra donc intégrer le biocarbone dans son processus et bénéficier immédiatement de la réduction des émissions de carbone sans engager de coûts supplémentaires.
La naissance d’Évolys
En 2023, Rio Tinto a testé avec succès le biocarbone métallurgique d'Aymium à RTIT comme solution de rechange à faible émission de carbone à l'anthracite actuellement utilisé dans ses procédés de fusion de l'ilménite. Un an plus tard, Rio Tinto a décidé d'unir ses forces à celles d'Aymium en créant Évolys et en construisant une usine de fabrication au Québec, plutôt que d'importer le produit d'Aymium pour ses opérations québécoises. Avec Évolys comme fournisseur local de biocarbone, RTIT peut continuer à travailler à la réduction de ses émissions.
La nouvelle coentreprise a choisi l'usine de pâte à papier Fortress à Thurso, au Québec - qui a connu des difficultés financières et a fermé en 2019 - comme site de la nouvelle usine qui produira du biocarbone métallurgique renouvelable afin de réduire les émissions de carbone dans les processus industriels à grande échelle.
La première phase du projet consiste à rénover l'ancienne usine de pâte à papier pour la transformer en une usine de production de biocarbone d'une capacité de 50 000 tonnes par an, pour un coût de 50 millions de dollars. L'usine d'Évolys devrait entrer en service au cours du second semestre 2025.
La technologie est facilement extensible pour répondre à une demande croissante, et la deuxième phase du projet pourrait être lancée dès 2028 avec une augmentation de la capacité de production de près de 200 000 tonnes de biocarbone par an.
Créer des emplois et développer l'économie locale
L'implantation d'Évolys au Québec constitue également une revitalisation de l'économie locale. Lorsque l'usine de pâte à papier Fortress a fermé ses portes en 2019, de nombreux habitants de la petite communauté de Thurso, qui compte une population de 3 000 personnes, se sont retrouvés sans emploi. La fermeture a également eu un impact négatif sur le secteur forestier de la région. L'une des raisons pour lesquelles le gouvernement du Québec a soutenu la nouvelle entreprise de Rio Tinto et d'Aymium était son potentiel de revitalisation de la ville et du secteur forestier.
La nouvelle usine de biocarbone créera des emplois dans le secteur de la construction, ainsi que 30 employés permanents dans un premier temps. Elle s'approvisionnera en biomasse de manière durable auprès de fournisseurs forestiers locaux dans un rayon de 200 kilomètres, en achetant les résidus d'exploitation, les copeaux de bois et d'autres sources existantes de fibres de bois, notamment l'écorce et la sciure.
« Notre usine constituera une nouvelle source de revenus pour le secteur forestier environnant, car notre biocarbone valorise leurs déchets de biomasse », a déclaré Guillaume Bacconnier, directeur général d'Évolys. « Elle peut également créer un nouvel écosystème d'industries innovantes ainsi que du biocarbone durable pour les soutenir.
L'effet domino du développement durable
Au début, la majeure partie du produit d'Évolys sera destinée aux opérations québécoises de RTIT à Sorel-Tracy. Le remplacement de l'anthracite par 50 000 tonnes de biocarbone dans ses installations devrait être équivalent au retrait de 30 000 voitures de la circulation. Mais Évolys a le potentiel de provoquer des changements transformateurs bien au-delà des opérations de Rio Tinto. Le biocarbone produit par la nouvelle usine pourrait potentiellement être utilisé pour remplacer les combustibles fossiles dans des secteurs tels que l'énergie, l'agriculture et la purification de l'air et de l'eau. Cela signifie qu'au cours des prochaines années, Évolys pourrait jouer un rôle important en aidant d'autres industries du Québec à réduire leur empreinte carbone et en contribuant à l'atteinte des objectifs de carboneutralité de la province pour 2050.